titre japonais : ナナ (Nana)
auteur : Ai Yazawa
édition française : Delcourt
nombres de tomes sortis en France : 21, série en cours.
résumé:Nana Komatsu est une jeune fille rêveuse et immature, sans cesse embarquée dans des histoires d'amour sans avenir et sans grand objectif dans la vie. Nana Osaki est chanteuse dans un groupe punk et ne semble avoir comme point d'attache que son petit ami musicien, Ren. Mais ces deux jeunes filles dont le prénom semble le seul point commun vont être amenées à se rencontrer dans leur trajet pour Tokyo, et alors que leur nouvelle vie commence, une amitié aussi forte qu'improbable va naître entre elles.
Encore une fois il s'agit du manga et non pas de l'anime, que je n'ai pas vu en entier.
Je n'ai pas mis d'images de planches pour cette fois car j'enlève le contenu des bulles, or Nana possédant beaucoup de dialogues, cela n'aurai pas grand intérêt.
Critiquer un tel manga pourrait paraître prétencieux de ma part. En effet, cette série a fait le tour du monde, fidèle à son exclusivité et à son originalité dans le genre. Car Nana est un peu au monde du shojo ce que Naruto est au shonen ! C'est juste... cultissime !
Mais bon, prenons un peu de recul, je ne suis pas là pour en faire l'éloge, mais bien pour essayer d'en établir une critique.
Pour commencer, Nana est un shojo. Pourtant c'est un manga qui se détache du genre, comme je l'ai dit il a quelque chose de plus, quelque chose de différent des autres shojos.
J'aimerais aborder en premier le fait que ce soit en quelque sorte un manga « musical » car il nous plonge dans l'univers de la musique de façon assez intuitive, vu que Nana Osaki souhaite atteindre une carrière professionnelle, on sait dès les premiers tomes qu'on va découvrir peu à peu le monde un peu cruel de la célébrité et du commerce musical. Une autre chose très réussie aussi de ce point de vue: (je rappelle bien du manga et non pas de l'anime), c'est qu'on ne peut pas entendre la musique jouée par les groupes qui nous sont présentés. Pourtant, c'est exactement comme si on l'entendait. On ne ressent pas de frustration particulière car rien qu'avec les dessins chacun peut imaginer sa mélodie, la voix de Nana, l'enjouement de la foule. Tout ce concept musical était assez risqué pour un manga, et pourtant selon moi il est très réussi.
L'histoire est en quelque sorte classique. Deux filles du même âge au caractère et au physique complètement opposés se rencontrent et deviennent amies. Ces personnages sont d'ailleurs caractérisés assez simplement dans le tome 1, Ai Yazawa sait exactement où elle veut nous emmener, les traits de caractères sont déterminés et paraissent d'ailleurs complètement anodins. Mais le sont-ils vraiment ?
Au fur et à mesure des intrigues, on sent que tout ça n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Au tout début chacune de leurs intrigues se déroulent séparément, et elles ne se connaissent pas encore. Elles essaient d'évoluer à leur façon, mais n'y arrivent pas toujours. L'évolution se fait vraiment lorsque les deux Nanas se rencontrent. Leurs histoires sont différentes mais parallèles, tenues par on ne sait quel lien, et c'est leur amitié qui les fait avancer.
Du coté personnages on peut dire qu'Ai Yazawa a plus que réussi sa tâche en essayant de nous guider du simplicime vers le grandiose. Cela n'est pas seulement vrai pour les deux héroïnes mais pour toute la palettes de personnages secondaires qui n'ont pas l'air de l'être tant leur psychologie est poussée et déjoue les clichés. Pour moi, Nana défini ce qu'est vraiment un shojô. Pas seulement un « manga pour fille » au sens où la plupart l'entendent, mais un manga qui parle de sentiments, pas d'amour en soi, mais de sentiments.
Et Ai Yazawa sait très bien jouer avec nos émotions dans ce manga. Que ce soit dans le caractères de ses personnages que dans les intrigues plus dramatiques les unes que les autres ou encore dans les dessins. Oui, nombreux sont ceux qui ne trouvent pas les dessins de Nana à leur goût (certains ont même employé le terme « moche », personnellement je trouve que si il y a bien un mot qu'on ne peut pas employer pour les définir, c'est celui là), et en effet ils peuvent déplaire par leur détail et leur aspect très « féminin ». Les visages sont allongés et fins, tout comme les corps d'ailleurs, tout en longueur et dégageant une sorte de douceur qui peut être un peu agaçante au fil des tomes. Moi aussi j'avoue que j'ai eu du mal à m'y faire, l'apparence sur-détaillée des silhouettes et même des objets est assez déroutant, surtout au début. Mais on s'y habitue vite, d'autant que ce style de dessins est parfaitement en accord avec l'histoire, qui est elle aussi on va le voir, très délicate et soignée.
A tous ceux qui m'affirment que les mangas sont juste des bandes-dessinées sans dialogue et profondément bêtes, je leur répond de lire Nana. Pour moi c'est le meilleur exemple de « manga intelligent » pas seulement dans l'histoire, mais dans la manière dont elle est racontée. Au fond, on ne sait pas trop si Ai Yazawa savait comment allait se finir sa série quand elle écrivait dans le tome 1 les pensées en « voix-off » de Nana Komatsu. Mais hônnetement, il y a quelque chose de tellement profond et poétique dans ces sortes de flashforwards qu'on imagine toujours le pire (pour ceux ou celles qui auront lu jusqu'au dernier tome sorti, on comprend qu'on a pas eu tout à fait tort... mais no spoil). C'est bien écrit, bien construit, ça nous donne absolument envie de continuer à lire Nana mais surtout, ça créé un lien évident entre les tomes. La « voix-off » de la future Nana Komatsu, c'est un peu le concept même du manga. C'est ce qui fait tout le charme de cette série selon moi.
Cependant -puisqu'il faut bien y venir- il faut bien avouer qu'on peut reprocher de nombreuses chose à Ai Yazawa. Malgré le fait que l'histoire et les intrigues s'éloignent la plupart du temps des clichés, il arrive très souvent à l'auteur de retomber dans des niaiseries classiques que seul le shojô est capable de nous offrir. Bon, dans les passages romantiques, difficile de faire autrement me direz-vous, mais quand même, on pourrait attendre mieux de la part d'un tel manga.
Autre chose: la façon dont Ai Yazawa traite les volontés de ses fans et même de ses lecteurs en général. [ATTENTION SPOILER !] Qui ne s'est pas offensé de voir le couple si adorable que formaient Hachi et Nobu bafoué au profit de Takumi ? Je suis sûre que ça a choqué tous ceux et celles qui l'ont lu !
Personnellement il y a aussi quelques autres passages que j'aurais aimé ne jamais voir comme celui, entre autres, où Hachi découvre que Shôji l'a trompée. [/SPOILER !]
Négliger autant l'attente des lecteurs, d'accord c'est être fidèle à sa propre volonté en tant qu'artiste, mais c'est surtout du pur sadisme !
En même temps ça fait de Nana un manga plutôt imprévisible. Jusqu'aux derniers tomes sortis, Ai Yazawa en aura fait voir, autant à nous qu'à ses personnages, des vertes et des pas mûres. Elle, au moins, à l'air de savoir ce qu'elle fait et c'est plutôt rassurant, car on sent au fur et à mesure des tomes que l'on se rapproche de la fin et on espère qu'elle ne sera pas trop expéditive car Nana a su nous séduire jusqu'ici, et même au-délà.